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Le dépassement de soi par la course à pied


Jeudi 24 mars 2022

Cher Journal!!!

Bonjour!!!

J’attendais ce moment depuis si longtemps, c’est-à-dire dès l’instant où je t’ai pris dans mes mains pour la toute première fois, il y a quelques mois.

« Puisque tu es un coureur passionné et que tu envisages de participer à une compétition majeure, mais que tu hésites, encore et encore, à t’inscrire, je me suis dit que ce petit cadeau te forcerait à passer à l’acte! »

Voilà ce que m’a dit Sam, un ami de longue date, en me tendant un objet rectangulaire recouvert de papier-cadeau parsemé de rennes au nez rouge. Ce papier d’emballage était tout à fait de circonstance : nous étions à quelques jours de Noël!

J’ai examiné l’objet en le tâtant. Rapidement, je suis parvenu à la conclusion qu’il s’agissait d’un livre.

En le déballant, j’ai toutefois constaté qu’il s’agissait plutôt d’une sorte de carnet à couverture rigide. Puis, mes yeux ont été attirés par les trois mots qui figuraient sur la couverture : Journal du marathonien.

Agréablement surpris, j’ai remercié Sam avec enthousiasme.

La compétition majeure en question était le Marathon de Montréal, qui, avec un peu de chance, serait de retour après deux années d’annulation pour cause de pandémie de COVID-19.

Quant à mon hésitation, Sam avait vu juste! Tôt le lendemain matin, immédiatement après avoir pris la première gorgée de mon café, je suis allé sur le site Web du Marathon de Montréal pour m’inscrire à l’épreuve reine de l’événement, mettant ainsi un terme à plusieurs longues semaines d’atermoiements.

Cher Journal, je trépigne d’excitation à la perspective de consigner ici réflexions et confidences à propos de mon entraînement en vue du Grand Jour, le 25 septembre 2022!

Pour ce qui est de la journée d’aujourd’hui, cher Journal, pas d’entraînement!

Tous les coureurs d’expérience et tous les experts le disent : pour atteindre ses objectifs en course à pied, il est essentiel d’avancer progressivement.

Or, j’ai été fort occupé sur les plans professionnel et personnel au cours des derniers mois… En outre, l’hiver a été rude… Cher Journal, je dois avouer que je n’ai pas été très assidu à l’entraînement…

Je compte donc progresser graduellement.

Mais pas à partir d’aujourd’hui, ha!

Qu’à cela ne tienne, cher Journal, ce n’est que partie remise!

[…]

Mardi 5 avril 2022

Cher Journal…

Aïe!

La reprise de la course à pied est considérablement plus difficile que je ne l’avais imaginée…

Qui aurait cru qu’une activité qui m’est aussi familière, une activité de surcroît des plus naturelles pour l’être humain, puisse être aussi éprouvante physiquement et mentalement après une période de relâchement relativement courte!?!?

Cher Journal, c’est comme si mon corps et ma tête s’étaient ligués contre moi pour me faire regretter mon manque d’assiduité à l’entraînement des derniers mois…

Enfin, tout cela est sans importance maintenant : j’ai enfin repris l’entraînement! La machine est repartie! Il ne reste qu’à l’huiler un peu et à la laisser tourner!

À bientôt!

[…]

Dimanche 10 avril 2022

Cher Journal!

Bonne nouvelle! J’ai trouvé le mantra qui me guidera lors de mes séances d’entraînement et me motivera tout au long des mois à venir : « En route vers la Gloire! »

Cher Journal, par « Gloire » j’entends un record personnel au marathon! Rien de moins!

À bientôt!

[…]

Dimanche 8 mai 2022

Cher Journal…

La journée d’hier ne s’est pas déroulée comme je l’avais prévue…

Comme tu le sais, je traverse une période fort occupée sur les plans professionnel et personnel depuis un moment maintenant. Faute de temps, au cours des dernières journées, j’ai négligé l’un de mes passe-temps favoris : échanger sur les médias sociaux.

Hier, j’avais programmé une sortie de 15 kilomètres en endurance fondamentale, soit une séance d’une durée approximative d’une heure et demie. Je disposais de plusieurs minutes de temps libre avant d’aller courir. J’en ai donc profité pour jeter un coup d’œil aux nombreuses publications que j’avais manquées dernièrement sur Facebook, question de faire un peu de rattrapage.

Un de mes amis Facebook, coureur passionné lui aussi, avait partagé un lien vers un texte dont le titre m’a immédiatement interpellé : La course à pied : moteur de dépassement de soi. J’ai aussitôt cliqué sur J’adore, ce que je fais d’ailleurs systématiquement lorsque je vois l’une de ses publications, dont je suis particulièrement friand.

Je savais toutefois que ce texte subirait fort probablement le sort habituel dans ce genre de situation : un renvoi aux calendes grecques.

Cher Journal, ce que je préfère dans l’univers des médias sociaux, ce qui est, pour moi, source de contentement supérieur, est le sentiment de délectation qui m’emplit lorsque je réagis, commente, interagis, lorsqu’un ami réagit à l’une de mes réactions, commente l’un de mes commentaires, m’identifie ou mentionne mon nom dans l’une de ses publications…

Or, cliquer sur un lien externe me prive de précieuses minutes à échanger avec mes amis et mes abonnés.

Donc, aussitôt après avoir cliqué sur J’adore, je suis passé à l’une des nombreuses autres publications sur Facebook que j’avais manquées.

Ensuite, voile noir absolu!

Cher Journal, j’ignore ce qui s’est passé…

C’est comme si une force mystérieuse s’était emparée de moi et m’avait ravi, m’avait arraché de notre continuum spatio-temporel pour me téléporter dans un lieu où ma conscience du temps s’était volatilisée!

À mon retour dans notre espace-temps, j’étais stupéfait, bouleversé, en constatant que j’avais voltigé allègrement d’une publication à l’autre, laissant moult commentaires bienveillants et observations tantôt comiques, tantôt philosophiques à l’intention de mes amis et de mes abonnés, et distribuant des J’aime et des J’adore comme si j’étais le père Noël qui prodiguait des cadeaux par milliers le 24 décembre au soir, et ce, cher Journal, pendant… presque… deux heures!!!

Fâcheusement – très fâcheusement même –, j’ai dû revoir à la baisse la durée de ma séance d’entraînement. Je suis néanmoins parvenu à enregistrer une sortie de près de six kilomètres.

Cher Journal, tu conviendras avec moi, c’est mieux que rien…

Tout bien réfléchi, il y a un côté positif à cette situation malheureuse. En fait, tout ce temps que j’ai accidentellement passé sur Facebook m’a permis de me rapprocher encore un peu plus de la réalisation d’un rêve.

Cher Journal, j’ai écrit que l’un de mes passe-temps favoris consistait à échanger sur les médias sociaux. Je dois te faire une confidence : je chéris le rêve de devenir un influenceur Web prééminent dans le monde de la course à pied!

Ainsi, le temps que j’ai passé sur Facebook hier m’a permis de façonner et de cultiver ma personnalité dans les médias sociaux, d’enraciner et d’affermir un peu plus ma présence auprès de mes amis et de mes abonnés.

Certes, cher Journal, cela s’est fait au détriment de mon temps d’entraînement. Mais tu conviendras avec moi une fois de plus aujourd’hui : le Grand Jour est encore bien loin!

Il n’y a pas péril en la demeure!

À bientôt!

[…]

Samedi 21 mai 2022

Cher Journal…

Quelle journée absolument désagréable et même archi-dangereuse pour courir! Du moins, je suppose…

Dire qu’il s’agissait d’une journée très venteuse serait un euphémisme digne d’un mensonge éhonté!

Cher Journal, c’était l’apocalypse au Québec!

Sous la force de vents d’une violence inouïe, un clocher d’église a été arraché, une toiture de bâtiment a été soufflée, des arbres ont été déracinés et 500 000 Québécois ont été privés d’électricité! Dans certaines régions de la province, les vents ont atteint la vitesse surréaliste de 130 kilomètres à l’heure!

« Dame Nature s’est fâchée », pouvait-on lire dans les médias d’information!

L’apocalypse, je te dis!

Quant à moi, j’avais prévu réaliser ma longue sortie de la semaine. Or, quelques secondes avant d’enfiler mes chaussures de course, je suis allé jeter un coup d’œil à l’extérieur par la fenêtre.

Cher Journal, de mémoire d’homme, jamais je n’avais vu des nuages se déplacer aussi rapidement dans le ciel!

Je suis resté là, à la fenêtre, un long moment, hébété, à supputer la vitesse du vent.

Selon mes estimations, les nuages se déplaçaient à une vitesse vertigineuse de 50 kilomètres à l’heure, soit à une allure de 1 minute et 12 secondes au kilomètre! Cher Journal, cela équivaut à un marathon en un peu plus de 50 minutes!!!

Kipchoge et ses lièvres migrateurs en formation en V n’ont plus qu’à aller se rhabiller, ha!

Plus incroyable encore : les nuages maintenaient cette allure de manière constante, sans le moindre signe d’essoufflement, sans décliner ne serait-ce qu’une fraction de seconde! Quel spectacle à la fois extraordinaire et terrifiant!

« Wow! me suis-je exclamé, incapable de me déloger de la fenêtre. Ces nuages font comme moi : ils sont en route vers la Gloire! »

Cher Journal, dans de telles circonstances, je n’ai eu d’autre choix que de m’incliner devant dame Nature. J’ai donc renoncé à l’idée d’aller courir.

Qu’à cela ne tienne, ce n’est que partie remise!

[…]

Jeudi 9 juin 2022

Cher Journal!

Tu l’as à coup sûr remarqué… Depuis quelques semaines, et malgré le fait que le beau temps se soit installé et que les conditions soient des plus propices pour courir, la motivation me fait défaut.

L’équipe organisatrice du Marathon de Montréal ayant dévoilé, il y a deux jours, la programmation de son événement, confirmant du même coup le retour de cette grande fête annuelle après deux années d’annulation, j’ai décidé de m’attaquer résolument à cette lacune! Je me suis donc rendu dans une librairie pour m’offrir un peu de lecture inspirante!

Lorsque je suis arrivé devant le rayon des livres sur le sport, j’ai été frappé par le nombre d’ouvrages qui traitent de la course à pied.

Après avoir passé plusieurs longues minutes à feuilleter différents livres qui s’offraient à moi, je suis tombé sur deux ouvrages d’un même auteur et dont j’ai entendu grand bien : Courir moins pour courir beaucoup plus et Courir lentement pour courir beaucoup plus vite.

Cher Journal, ces titres font vibrer une corde sensible en moi! Et vu mes problèmes de motivation des derniers temps, j’ai décidé de me procurer non pas l’un des deux livres, mais plutôt LES DEUX LIVRES!!!

Aux grands maux, les grands remèdes, cher Journal!

Ma diligence n’a sûrement rien d’étonnant pour toi : tu commences à bien me connaître! Tu sais donc qu’il est hors de question que je lésine sur les moyens, moi qui suis « En route vers la Gloire! »

À bientôt!

[…]

Vendredi 8 juillet 2022

Cher Journal…

La journée d’aujourd’hui ne s’est pas déroulée comme je l’avais prévue…

Il s’agissait de ma dernière journée au travail avant des vacances de deux semaines bien méritées.

En arrivant à la maison, je me suis installé devant mon iPad avec la ferme intention de m’instruire au sujet de la surcharge de glycogène et d’élaborer un plan d’action en vue du Grand Jour. J’avais également la ferme intention de réaliser une sortie d’une dizaine de kilomètres tout de suite après…

Toutefois, lors de mes recherches, je suis tombé fortuitement sur un concept relié à la course à pied qui m’était inconnu et qui m’a quelque peu irrité.

D’entrée de jeu, l’appellation de la chose en question a de quoi inspirer l’antipathie : oscillation verticale.

Cher Journal, seule une espèce de pseudo-érudit parvenu et outrecuidant, un rat de fond de couloirs universitaires sombres et poussiéreux, serait pourvu de l’arriération mentale requise pour inventer un tel nom!!!

Pardonne-moi, cher Journal… Je me suis emporté…

À ma décharge, j’ai passé de longs moments à lire divers textes rédigés par des coureurs d’expérience et des experts dans l’espoir d’éclaircir cette affaire…

Il est ici question du mouvement de montée et de descente qui est produit par un coureur en pleine action, la hauteur du rebond, en quelque sorte.

Cette explication m’a laissé un peu déboussolé, moi qui croyais que le seul mouvement possible pour un coureur était… vers l’avant…

Cher Journal, il semblerait qu’il faille minimiser ce phénomène si l’on souhaite optimiser ses performances en course à pied…

Enfin…

Malheureusement, mes errances sur le Web m’ont contraint à me limiter à une sortie de cinq kilomètres. Cette infortune m’a grandement déçu. En revanche, j’ai eu le temps de préparer un plan d’action sur trois jours pour ma surcharge de glycogène.

Cher Journal, comme tu le sais, j’ai été fort occupé sur les plans professionnel et personnel ces derniers temps. Je compte donc profiter pleinement de ce repos bien mérité de deux semaines qui m’attend.

En outre, l’ardeur que j’ai déployée à l’entraînement a occasionné une surcharge de fatigue physique et mentale assez importante. Je prendrai donc également congé de course à pied.

Cher Journal, surtout, ne t’inquiète pas!

Cette petite période de relâchement ne compromettra aucunement l’atteinte de mon objectif! Bien au contraire! Elle me permettra de refaire le plein d’énergie et aura insufflé en moi une motivation nouvelle et vigoureuse lorsque je reprendrai l’entraînement pour amorcer la dernière ligne droite de ma Route vers la Gloire!

De toute façon, cher Journal, comme tu le sais, le Repos du Guerrier est un élément indispensable à quiconque a entrepris d’accéder à la Gloire!

À bientôt!

[…]

Mercredi 17 août 2022

Cher Journal…

Aïe!

La reprise de l’entraînement après mes vacances est un peu plus difficile que je ne l’avais imaginée…

[…]

Dimanche 21 août 2022

Cher Journal,

Le Grand Jour approche à grands pas, ce qui veut dire que le temps est venu d’amorcer une phase de la plus grande importance dans mon entraînement : l’affûtage!

Unanimement, coureurs d’expérience et experts en la matière disent qu’une période d’affûtage de deux ou trois semaines suffit pour un marathon.

Toutefois, cher Journal, en matière de course à pied, un homme n’est jamais trop prudent, à plus forte raison s’il est « En route vers la Gloire! »

J’ai donc décidé de diminuer mon volume d’entraînement et l’intensité de mes séances dès maintenant, soit cinq semaines avant le Grand Jour, question de me présenter à la ligne de départ frais et dispo!

À bientôt!

[…]

Dimanche 25 septembre 2022

Cher Journal!!!

Ça y est! J’ai réussi! La Gloire est mienne!

La Gloire est mienne, certes, mais je dois avouer qu’au moment où le signal de départ a retenti, je doutais de pouvoir réussir, et ce, même si je portais ma tenue de course fétiche, celle qui est synonyme d’excellentes performances, soit mon ensemble shorts et chandail violets.

Cher Journal, c’est que les trois journées qui ont précédé le Grand Jour ont été pénibles. Très pénibles même…

Je m’explique.

Comme tu le sais, j’avais élaboré un plan d’action pour ma surcharge de glycogène. Évidemment, je me suis conformé rigoureusement à ce plan!

Or, en vertu de mes 72 kilogrammes, j’ai dû ingurgiter entre 720 et 864 grammes de glucides par jour, pendant les trois journées qui ont précédé le Grand Jour!

À cette quantité immonde de glucides se sont ajoutés les trois grammes d’eau qui sont emmagasinés par l’organisme pour chaque gramme de glycogène stocké.

Ouf!

Cher Journal, durant ces trois journées, j’ai eu l’impression d’être un gros lard pitoyable qui agonisait ad vitam aeternam.

Par moments, la seule pensée de devoir accomplir tel ou tel autre geste simple de la vie quotidienne m’accablait au point de me dépouiller totalement de la force minimalement nécessaire pour m’exécuter. Et lorsque je parvenais à puiser le courage nécessaire pour passer à l’action, des mouvements banals, comme me pencher pour attacher mes chaussures, monter quelques marches ou même m’asseoir, me posaient un degré de difficulté indicible.

Pire encore : pendant un bon moment après le signal de départ, une voix dans ma tête ne cessait de me répéter que je ressemblais à la grosse boule violette du monde imaginaire de McDonaldland chancelant tel un ivrogne, et non pas d’un athlète bien entraîné « En route vers la Gloire ».

Lorsqu’elle ne tentait pas de me persuader que j’étais Grosse Douceur affublée d’un dossard, cette voix prenait plaisir à ruminer le fait que mon entraînement avait été déficient après mon retour de vacances, ce qui doublait mon découragement d’une vive irritation, car cette voix savait pertinemment bien que j’avais été fort occupé sur les plans professionnel et personnel ces derniers temps…

Heureusement, les choses se sont graduellement améliorées, et je suis parvenu à récolter les fruits de mon travail et de mes sacrifices!

Cher Journal, en franchissant la ligne d’arrivée après 4 heures et 6 minutes d’efforts (4:06:42 très exactement!), non seulement j’ai obtenu une place respectable dans ma catégorie, soit 209e parmi les 388 finisseurs des M30-39, mais surtout, SURTOUT, je suis parvenu à pulvériser mon record personnel de 17 secondes!

La Gloire est mienne, cher Journal! Mienne!

Voilà ce que la course à pied représente pour moi, cher Journal : une source gratifiante de dépassement de soi!

Ce sport magnifique permet à tout un chacun de repousser ses limites, pourvu, bien évidemment, que l’on soit disposé à s’engager avec sérieux dans cette démarche et à travailler en conséquence, quels que soient les obstacles qui se dressent sur le chemin. Et c’est très précisément ce que j’ai fait des mois durant!

Cher Journal, je suis heureux pour toi également! Oui! Je suis heureux que tu aies eu la chance de m’accompagner tout au long de ma Route vers la Gloire, que tu aies été témoin de cette épique épopée, la mienne!

Cher Journal, je veux que tu saches que ceci n’est pas un adieu.

En fait, bien que tout indique que l’automne et l’hiver seront des périodes où je serai fort occupé sur les plans professionnel et personnel, j’ai la ferme intention de mettre à profit le travail que j’ai accompli et l’expérience que j’ai acquise pour atteindre de nouveaux sommets de performance!

Cher Journal, merci! Et à bientôt!