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Pour courir 6000 kilomètres deux années d’affilée, il suffit d’un verbe et d’un adverbe


En 2021, tout comme ce fut le cas en 2020, j’ai dû augmenter mon volume d’entraînement durant les dernières semaines de l’année pour atteindre mon objectif de kilométrage annuel, en l’occurrence 6000 kilomètres.

Je dis « objectif de kilométrage annuel », mais il ne s’agit pas d’un véritable objectif, du moins suivant les us et coutumes du milieu de la course à pied, c’est-à-dire une cible qui est établie en début d’année et qui dicte le nombre moyen de kilomètres à enregistrer chaque semaine ou mois pour l’atteindre.

Tant en 2020 qu’en 2021, j’ai couru le plus souvent possible, cherchant à accumuler les kilomètres autant que faire se pouvait, mais sans avoir en tête un kilométrage précis à atteindre au 31 décembre.

Puis, tant en 2020 qu’en 2021, lorsque la fin de l’année a commencé à s’approcher, j’étais trop près de la barre des 6000 kilomètres pour ne pas déployer un effort de plus et la franchir. Toutefois, les raisons qui m’ont incité à accroître mon volume d’entraînement à un moment de l’année où j’aurais préféré ralentir la cadence pour récupérer et me reposer n’étaient pas les mêmes.

En 2020, je me suis obligé à dissocier plaisir et course à pied pour atteindre pour la première fois dans mon cheminement de coureur la marque des 6000 kilomètres. L’année suivante, je voulais certes réaliser un doublé, mais c’est principalement le regret, ou, pour être tout à fait exact, la crainte du regret de ne pas avoir déployé un effort de fin d’année, qui a été ma source de motivation. Dans PTVTCS, je parle du regret et du rôle positif que peut jouer cette forme de mécontentement dans la pratique de la course à pied, entre autres pour se motiver à enfiler ses chaussures de course lorsque l’envie de courir défaille. Les dernières semaines de 2021 auraient constitué un excellent exemple pour étayer ce point de vue.

Quoi qu’il en soit, au fil de tous ces kilomètres, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir aux différents facteurs, aux différentes raisons qui expliquaient ma capacité à courir autant et à continuer à le faire sans subir une blessure me mettant sur la touche.

Pour être entièrement honnêteté, je dois admettre que ces facteurs et ces raisons sont beaucoup trop nombreux et trop divers pour être décrits ici. En revanche, à force de réfléchir à la question, je suis parvenu à réduire la chose à sa plus simple expression, à condenser le tout en un verbe et un adverbe :

Ignorer le corps et la tête

Courir lentement

Ignorer

Au fil de ces milliers de kilomètres, j’ai beaucoup appris sur l’art de courir en faisant fi des inconforts, des douleurs et des blessures. Les moments les plus instructifs à cet égard concernent des douleurs à un genou qui sont apparues vers la mi-décembre 2020 – j’ai d’ailleurs consacré à cet épisode de ma vie de coureur un long billet de blogue, que j’ai divisé en deux, soit partie 1 et partie 2.

Au cours des semaines suivantes, ces douleurs ont gagné en ampleur, se propageant du genou vers la cuisse, puis vers l’aine. Elles se manifestaient seulement lorsque je courais, mais chaque fois que je courrais. Leur intensité était à son comble dès les premières foulées et déclinait progressivement au fil de l’entraînement.

Surtout, elles me forçaient à changer ma posture de course. J’avais jusqu’alors pour habitude de prendre un congé d’un jour (voire plus) dès lors que ma posture changeait du fait d’un inconfort ou d’une douleur, mais j’ai décidé de continuer à courir presque quotidiennement malgré tout.

Ce n’est que vers la fin mars que j’ai eu la quasi-certitude que cette blessure était presque guérie. J’imagine qu’il y a une limite à pouvoir ignorer son corps et sa tête et continuer à courir jusqu’à ce qu’un inconfort, une douleur ou une blessure disparaisse; personnellement, je ne l’ai pas encore dépassée.

Je sais toutefois qu’en ignorant mon corps et ma tête, j’ai pu mener à bon terme ce que je considérais alors comme une démarche d’expérimentation (en savoir plus), en apprendre plus sur ma tolérance aux inconforts et aux douleurs et accumuler dans la foulée des centaines de kilomètres.

Lentement

Il est ici surtout question d’éviter ce que j’appelle la zone poubelle. Malheureusement pour moi, je ne suis pas l’auteur de cette magnifique expression, que j’ai entendue ou lue quelque part il y a quelques années, je ne sais plus où…

Comme c’est le cas pour un grand nombre d’aspects de la pratique de la course à pied, à chacun sa zone poubelle, car elle varie selon les objectifs, la fréquence des sorties, l’expérience et l’âge, entre autres facteurs.

En ce qui me concerne, ma zone poubelle couvre tout ce qui se situe entre mon allure marathon et une allure de course qui m’est facile, que je peux maintenir longtemps sans trop d’effort, soit un rythme qui entre dans la catégorie communément désignée par le terme « endurance fondamentale ».

Si, par définition, l’allure marathon correspond à une vitesse plutôt précise, dans mon cas, dans les environs de 4:20 à 4:25/km (soit un « savant » mélange de l’allure de mon dernier marathon et de l’allure que je vise pour mon prochain marathon), l’endurance fondamentale est, quant à elle, davantage variable. Dans mon cas, on pourrait même parler d’une « fourchette de vitesses »!

Ainsi, lors d’une journée où je suis réveillé depuis quelques heures, où j’ai mangé et digéré et où je suis en relative bonne forme, une sortie facile se déroulera à une allure située dans les environs de 5:30/km. Lors de ces journées optimales, il m’arrive tout de même parfois d’avoir le sentiment de « pousser » légèrement…

Lors d’une journée où je suis fatigué, où je cours tôt le matin à jeun (ou presque) ou en soirée, ou au lendemain d’une séance d’entraînement éprouvante ou d’une compétition, mon allure de course facile peut chuter dans les environs de 6:00/km, et parfois même plus lent encore.

La délimitation de ma zone poubelle s’explique essentiellement par mes objectifs en course à pied.

À ce stade-ci de mon cheminement de coureur, je travaille à m’améliorer sur deux plans : vitesse, lors des compétitions sur route (surtout au marathon), et distance (et dénivelé), lors des ultramarathons.

Inutile pour moi de courir à une allure située entre 4:25/km et 5:30/km. Non seulement une telle allure ne cadre pas avec mes objectifs, mais en enchaînant des séances en continu à une allure dans cette fourchette, j’accumulerais de la fatigue inutilement et j’augmenterais les risques de blessure. Si la fréquence de mes sorties et mon volume d’entraînement étaient moins élevés, je pourrais probablement m’aventurer dans la zone poubelle sans m’exposer à de tels dangers, car je disposerais de périodes de récupération plus longues.

J’applique ma stratégie d’évitement de la zone poubelle tant lors des séances en continu, qui constituent la majeure partie de mon entraînement, que lors des séances avec de la vitesse (intervalles et seuil). Ainsi, les segments les plus lents de mes sorties avec de la vitesse sont de l’ordre de 4:25, 4:20/km.

Éviter la zone poubelle peut sembler chose aisée. En réalité, lors de ces journées optimales, lorsque le corps et la tête sont en bonne forme et nous y incitent fortement, il peut parfois être très difficile de résister à l’envie de courir un peu plus vite, de « pousser » légèrement…