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Faire de la course à pied une habitude bien ancrée avec James Clear


En 2018, l’auteur, conférencier et spécialiste des habitudes James Clear publiait son livre Atomic Habits*. Cet ouvrage, qui est rapidement devenu un livre à succès – plus de cinq millions d’exemplaires vendus à l’échelle de la planète –, propose une méthode assez simple pour adopter de bonnes habitudes et éliminer les mauvaises. Le lecteur y découvre comment obtenir des résultats tangibles et changer sa vie grâce à de petits gestes et des changements mineurs dans son quotidien.

Cet ouvrage renferme quelques stratégies intéressantes qui sont applicables en course à pied, en particulier pour les personnes qui souhaitent courir plus assidûment et faire de leur sport une habitude bien ancrée dans leur vie quotidienne. Le texte qui suit dégage les idées principales de l’ouvrage de Clear dans cette perspective. Pour rendre plus concrètes les stratégies de Clear, je recourrai à un même cas de figure au fil du texte : un coureur qui souhaite pratiquer son sport plus fréquemment.

Définitions et explications de base

Pour James Clear, une habitude est bien plus qu’un comportement qui a été répété par une personne au point de devenir un geste automatique. En fait, explique l’auteur, les habitudes sont des raccourcis mentaux appris de l’expérience, c’est-à-dire les étapes à suivre pour arriver à la solution d’un problème qui s’est déjà produit par le passé.

Pour Clear, le processus de formation d’une habitude se divise en quatre étapes : signal, désir, réponse et récompense. Les deux premières étapes (signal et désir) sont associées au problème, et les deux autres (réponse et récompense), à la solution. Ces quatre étapes forment une boucle de rétroaction neurologique. Un signal déclenche un désir. Ce désir stimule une réponse, laquelle aboutit à une récompense. Cette récompense assouvit le désir et finit par être associée au signal.

En se basant sur ces quatre étapes, Clear a élaboré un cadre de référence simple qui peut être utilisé pour acquérir des habitudes positives et éliminer les habitudes négatives. Clear appelle ce cadre les Quatre lois du changement de comportement.

Chacune de ces lois est associée à l’une des étapes du processus de formation d’une habitude.

  • Signal : rendre l’habitude visible (première loi).
  • Désir : rendre l’habitude attirante (deuxième loi).
  • Réponse : rendre l’habitude facile à exécuter (troisième loi).
  • Récompense : rendre l’habitude satisfaisante (quatrième loi).

Pour changer un comportement et adopter une nouvelle habitude, il suffit d’obéir à chacune de ces quatre lois.

Signal : rendre l’habitude visible

Selon Clear, l’habileté sensorielle la plus puissante chez l’être humain est la vision. L’auteur explique que le corps humain est constitué d’environ 11 millions de récepteurs sensoriels, dont approximativement 10 millions sont associés à la vue. Il ajoute que certains experts estiment même que la moitié des ressources du cerveau sont utilisées pour la vision.

Ces faits ont conduit Clear à croire que les rappels visuels sont les catalyseurs les plus déterminants dans les comportements des humains. Voilà pourquoi il est important qu’une personne qui cherche à ancrer un comportement en particulier organise son environnement de telle sorte que des rappels visuels lui rappellent fréquemment l’habitude qu’elle cherche à adopter. En plaçant, çà et là, dans son environnement des rappels visuels, cette personne augmentera les probabilités qu’elle pense tout au long de la journée à l’habitude qu’elle souhaite adopter, ce qui augmentera par voie de conséquence les chances qu’elle passe à l’action.

Dans notre cas de figure, le coureur pourrait, par exemple, laisser ses chaussures de course bien en vue dans l’entrée de sa maison ou déposer des vêtements de course prêts à être utilisés sur le dessus de sa commode, plutôt que dans un tiroir.

À ces rappels visuels, il convient d’associer une intention claire et précise d’accomplir le geste associé à l’habitude souhaitée. James Clear fait valoir que plusieurs personnes croient à tort qu’elles ne parviennent pas à adopter une habitude qu’elles souhaitent acquérir par manque de motivation. Selon lui, le problème réside plutôt dans l’absence d’intentions claires. Pour cela, il suffit d’énoncer son intention en précisant les trois éléments suivants : geste, moment et lieu.

Ainsi, dans notre cas de figure, le coureur peut simplement se dire : « À 16 h, je vais aller courir dans le parc de mon quartier. »

Désir : rendre l’habitude attirante

James Clear raconte que les scientifiques ont cru pendant plusieurs années que la dopamine se résumait qu’à une simple question de plaisir. Or, ajoute-t-il, il est maintenant bien établi que cette substance joue un rôle central dans plusieurs processus neurologiques, notamment la motivation, l’apprentissage et la mémoire et les mouvements volontaires.

S’agissant des habitudes, le point essentiel à retenir selon Clear se résume à ceci : la dopamine est sécrétée non seulement lorsqu’une personne a du plaisir, mais aussi lorsqu’elle s’attend à en ressentir.

Les personnes dépendantes aux paris ressentent une montée de dopamine juste avant de parier, non pas après avoir gagné, fait valoir Clear. Un pic de dopamine se produit chez les cocaïnomanes lorsqu’ils voient la poudre blanche, non pas quand ils en ont reniflé.

Or, non seulement les niveaux de dopamine grimpent à la perspective d’avoir du plaisir, mais lorsque la dopamine augmente, la motivation à agir augmente également. Ce qui incite une personne à passer à l’action étant la perspective de vivre une expérience plaisante, et non pas l’expérience en tant que telle, il est donc essentiel de rendre une habitude attirante.

Pour y parvenir, Clear propose quelques stratégies.

Il est possible d’associer une activité que l’on a envie de faire au geste que l’on souhaite transformer en habitude.

Dans notre cas de figure, le coureur pourrait avoir envie de regarder un épisode de sa télésérie préférée sur Netflix. Il pourrait ainsi combiner cette activité à une séance de course à pied sur tapis roulant. Le champ d’application de cette stratégie est toutefois assez restreint. Les activités qui peuvent être réalisées en courant sont peu nombreuses, et courir à l’extérieur, par comparaison à la course à l’intérieur, exige du coureur une attention beaucoup plus soutenue à l’environnement qui l’entoure.

Clear propose également d’associer une habitude déjà bien établie à une habitude que l’on souhaite acquérir.

Par exemple, dans notre cas de figure, le coureur pourrait avoir pour habitude de se détendre après être rentré du travail en buvant un café et en parcourant les médias sociaux. Dans ce cas, sa stratégie pourrait être d’aller courir après avoir terminé son café. Cette intention devra toutefois être énoncée clairement au préalable. Par exemple : « Après mon café, j’irai courir dans le parc de mon quartier. »

Clear propose une troisième stratégie, celle-ci basée sur des caractéristiques propres à l’être humain : son désir naturel d’appartenance, de tisser des liens avec ses semblables et de susciter le respect et l’admiration de ses pairs. Selon l’auteur, l’une des façons les plus efficaces d’adopter de meilleures habitudes est de s’intégrer à une culture et de s’entourer de gens qui valorisent le comportement que l’on souhaite transformer en habitude.

Dans notre cas de figure, le coureur pourrait, par exemple, trouver un compagnon pour ses sorties de course, se joindre à un club de course ou suivre des groupes consacrés à la course à pied dans les médias sociaux.

Réponse : rendre l’habitude facile à exécuter

Selon James Clear, la voie à privilégier pour se rendre maître d’une habitude est celle de la répétition. Pour transformer un geste en habitude, inutile de tendre à la perfection. Ce qui importe plus que tout est de mettre en pratique le plus fréquemment possible l’habitude que l’on souhaite instaurer. L’adoption d’une nouvelle habitude est donc une question de fréquence, et non pas de temps.

Clear étaye son point de vue sur une notion que les neuroscientifiques appellent la potentialisation à long terme, soit le renforcement des connexions entre les neurones dans le cerveau lorsqu’une activité est répétée. Autrement dit, plus une personne refait une même activité, plus la structure de son cerveau change pour gagner en efficacité dans l’exécution de cette activité.

Or, Clear explique que la façon la plus efficace de mettre en pratique le plus fréquemment possible l’habitude que l’on souhaite acquérir est de respecter la troisième loi du changement de comportement : rendre l’habitude facile à exécuter. À cette fin, rien de mieux que d’appliquer le principe du moindre effort!

Clear fait valoir que ce qui motive véritablement un être humain à agir est la facilité. Placés devant deux possibilités semblables, nous opterons naturellement pour celle qui exige le moins de travail. Le principe du moindre effort est un geste profondément ancré dans la nature humaine. Il est donc crucial de rendre une habitude que l’on souhaite adopter facile à exécuter.

Pour cela, il importe d’éliminer les points de friction, et la meilleure manière d’y parvenir, explique Clear, est d’organiser son environnement en conséquence, ce qui évoque la première des Quatre lois du changement de comportement – rendre l’habitude visible.

Supposons que le coureur de notre cas de figure souhaite non seulement courir plus fréquemment, mais aussi prendre l’habitude de courir tôt le matin. La veille, il pourrait sortir ses vêtements, placer ses chaussures de course bien en vue et organiser toute autre chose qui pourrait faciliter le plus possible la mise en branle de sa séance d’entraînement. S’il y a lieu, il pourrait également décider et, mieux encore, préparer ce qu’il compte manger avant sa sortie. De possibles points de friction auront ainsi été facilement éliminés.

Clear insiste aussi sur l’importance de ce qu’il appelle les moments décisifs. Il illustre cet aspect à l’aide de deux anecdotes.

La première anecdote concerne la réputée danseuse et chorégraphe Twyla Tharp. Clear raconte que Tharp, qui attribue la majeure partie de ses succès à de simples habitudes quotidiennes, commence ses journées par un rituel : elle se réveille à 5 h 30, revêt ses vêtements d’entraînement, sort de son domicile pour héler un taxi, puis donne au chauffeur l’adresse de son centre d’entraînement physique, où elle s’entraîne pendant deux heures.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le rituel de Tharp n’est pas sa séance d’entraînement, mais plutôt le moment où elle indique au chauffeur de taxi où il doit la conduire. Il s’agit d’un geste simple, très facile à exécuter, un moment décisif et déterminant pour le reste de la journée de Tharp.

Clear est un acteur dans sa deuxième anecdote, qui concerne également un centre d’entraînement.

Il raconte qu’il y a un bref moment dans ses journées qui détermine le déroulement de ses soirées. Vers 17 h 15, sa femme rentre du travail. Puis, de deux choses l’une : soit ils enfilent leurs vêtements d’entraînement et se dirigent vers le centre d’entraînement physique, soit ils s’affalent sur le divan pour regarder la télévision et commander un repas.

Pour Tharp, il s’agit de héler un taxi, pour Clear, de changer de vêtements. Pour le coureur de notre cas de figure, il pourrait s’agir de sortir ses vêtements à l’avance ou de placer ses chaussures de course bien en vue dans l’entrée de sa maison. Dans les trois cas toutefois, ce sont de petits gestes faciles à accomplir, mais qui façonnent les actions suivantes et sont déterminants dans le déroulement des minutes, des heures, voire des jours qui suivent.

L’idée centrale est de générer des circonstances, de créer un environnement où faire l’action que l’on souhaite transformer en habitude sera aussi facile que possible.

Récompense : rendre l’habitude satisfaisante

En règle générale, explique James Clear, le résultat immédiat d’une mauvaise habitude est agréable, alors que le résultat à long terme est négatif – l’exemple par excellence est fumer la cigarette. À l’inverse, le résultat immédiat d’une bonne habitude est souvent quelque peu déplaisant, mais le résultat à long terme est positif. L’adoption d’une bonne habitude impliquera donc souvent une part de sacrifices les premiers temps.

À cette réalité s’ajoute le fait que le cerveau humain a tendance à privilégier le moment présent, explique Clear. Dans ces circonstances, il peut parfois être très difficile d’accomplir l’action que l’on souhaite transformer en habitude.

Voilà pourquoi il est important de rendre l’habitude que l’on souhaite adopter satisfaisante. Clear recommande toutefois un type de satisfaction en particulier : la satisfaction immédiate.

Clear fait valoir que la progression est une excellente source de satisfaction et il préconise d’en tirer avantage en faisant le suivi de l’habitude que l’on souhaite adopter à l’aide d’un outil de mesure visuel. Selon lui, la façon la plus simple de procéder est d’utiliser un calendrier et d’y barrer la case de chaque journée où l’action que l’on souhaite transformer en habitude a été exécutée.

Heureux hasard pour le coureur de notre cas de figure, cette stratégie est facilement adaptable à la course à pied. Elle lui permettra de voir en un simple coup d’œil l’assiduité dont il fait preuve, ce qui sera tout aussi satisfaisant que motivant. Puis, lorsqu’il sera en bonne voie de faire de la course à pied une habitude bien ancrée dans son quotidien, il pourra passer à l’outil par excellence du coureur assidu : le carnet de course.

Avec un carnet de course, qui peut être tenu de manière manuscrite ou à l’aide d’un document électronique (fichier Word ou Excel, par exemple), le coureur de notre cas de figure disposera évidemment de plus d’espace et pourra consigner des statistiques plus détaillées sur ses séances d’entraînement.

Toutefois, le grand avantage d’un carnet de course réside dans le fait que le coureur pourra y coucher par écrit de l’information, des observations et des réflexions sur d’autres aspects importants dans la pratique de la course à pied. Par exemple, le coureur pourra noter des sensations physiques particulières ressenties lors d’une séance, décrire des douleurs qui commencent à l’inquiéter, mentionner l’utilisation d’une nouvelle paire de chaussures, raconter une anecdote, un imprévu ou une mésaventure qui a marqué une sortie, souligner ses progrès et ses améliorations et énoncer ses objectifs pour une compétition à venir.

Clear associe trois grands avantages au suivi des habitudes.

Premièrement, le suivi d’une habitude aide à rappeler qu’il est temps de passer à l’action et de répéter le geste que l’on souhaite transformer en habitude. De plus, le suivi d’une habitude aide à rester honnête avec soi-même pour ce qui est des progrès. Il est difficile d’avoir une vision déformée de la réalité lorsque les preuves sont sous les yeux, explique Clear.

Deuxièmement, le suivi d’une habitude permet de maintenir la motivation. La source la plus efficace de motivation est le progrès, estime Clear, et le suivi d’une habitude montre clairement que l’on avance dans la bonne direction.

Troisièmement, le suivi d’une habitude peut devenir une forme de récompense. Clear ajoute même que cet aspect est le plus grand avantage du suivi d’une habitude. Il est certes satisfaisant de barrer une case de calendrier ou d’écrire quelques mots dans un carnet après avoir accompli l’action que l’on souhaite transformer en habitude.

Conclusion

Les règles de l’art en matière de résumé de lecture édicteraient que je termine ce billet de blogue en récapitulant les idées maîtresses et les principaux arguments de James Clear.

Toutefois, il m’apparaît beaucoup plus pertinent de terminer ce texte en enfreignant ces règles, car ce qu’il faut retenir de ce billet s’agissant de la course à pied n’a pas été exprimé. Les idées et les stratégies de James Clear n’ont et n’auront aucune importance ni d’influence si vous ne consentez pas à faire le seul geste qui compte réellement : aller courir.


*James Clear, Atomic Habits : An Easy & Proven Way to Build Good Habits & Break Bad Ones, New York, Avery, 2018, 306 p.